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Pendant longtemps, le soleil était assimilé à la quiétude des vacances et au bronzage sur une plage de sable blanc. Mais les récentes images de l’incendie des forêts proches de la Dune du Pilat pourraient modifier cette imagerie. Dans l’Antiquité, le soleil était considéré comme un astre plutôt inquiétant, comme en témoigne le mythe de Phaéton.  

Phaéton est le fils d’Hélios et d’une Océanide, Clymène. Son nom signifie le « Brillant ». Le jeune Phaéton vit avec sa mère. Il évoque auprès d’un camarade de jeu de son ascendance divine, mais son ami le traite de vantard. Phaéton rentre en pleurant et demande à sa mère de lui confirmer l’identité de son père. Clymène le rassure sur ses origines et l’invite à rendre visite à Hélios, dont le palais n’est pas très loin. Phaéton se met en chemin. Arrivé au palais du Soleil, il trouve l’astre diurne entouré de nombreuses divinités liées au temps : les Jours, les Mois, les Années, les Siècles, les Heures et les Saisons.

Nicolas Poussin  (1594–1665), Hélios et Phaëton avec Saturne et les quatre saisons, vers 1635, Musées d’État de Berlin

Phaéton demande la confirmation de sa filiation. Pour le contenter, Hélios jure par l’eau du Styx qu’il lui accordera un vœu, quel qu’il soit. Le garçon demande alors de pouvoir conduire son char dans le ciel pendant une journée. Hélios tente de dissuader son fils en lui expliquant que ses chevaux sont fougueux. Mais rien à faire : Phaéton s’entête. L’aube arrive. Les Heures attèlent les coursiers au char céleste et Phaéton s’en va, sous le regard inquiet de son père.

Jean-Baptiste Jouvenet, (1644–1717), Le départ de Phaéton, années 1680, Château de Maisons-Laffitte

Peu après son départ, Phaéton perd le contrôle des chevaux. Le char solaire est à la dérive et embrase le monde. Après le ciel, c’est à la terre d’être la proie des flammes : 

Les montagnes s’embrasent. La chaleur dessèche la terre, qui se fend, s’entrouvre, et perd ses sucs vivifiants. Les prairies jaunissent ; les arbres sont consumés avec leurs feuillages ; les moissons desséchées fournissent un aliment à la flamme qui les détruit. Mais ce sont là les moins horribles maux. Un vaste incendie dévore les cités, leurs murailles et leurs habitants ; il réduit en poudre les peuples et les nations ; il consume les forêts; il pénètre les montagnes: tout brûle, l’Athos, et le Taurus; le Tmolus, et l’Oeta; l’Ida, célèbre par ses fontaines, dont la source est maintenant tarie; et l’Hélicon, chéri des Muses; et l’Hémus, qu’Orphée n’a pas encore illustré. L’Etna voit redoubler les feux qui s’agitent dans ses flancs; les deux cimes du Parnasse s’enflamment, ainsi que l’Éryx, le Cynthe et l’Othrys, et le Rhodope, qui voit fondre enfin ses neiges éternelles ; et le Mimas, le Dindyme, le Mycale, et le Cithéron, destiné aux mystères de Bacchus. Les glaces de la Scythie la protègent en vain. Le Caucase est en feu. Les flammes en fureur gagnent l’Ossa, le Pinde, et l’Olympe, plus grand que tous les deux, et les Alpes, qui s’élèvent jusqu’aux cieux ; et l’Apennin, qui supporte les nues.

(Ovide, Les Métamorphoses, Traduction G.T. Villenave, Paris, 1806)

Joseph Mallord William Turner, (1775–1851), L’Incendie de la Chambre des Lords et des Communes, le 16 octobre 1834, 1834 ou 1835, Philadelphia Museum of Art

C’est ensuite au tour des eaux de s’évaporer sous l’effet de la chaleur. 

Alors les Nymphes, les cheveux épars, pleurèrent leurs fontaines taries et leurs lacs desséchés. La Béotie chercha vainement la source de Dircé; Argos, celle d’Amymone; Éphyre, celle de Pyrène. L’incendie avait atteint les fleuves au lit le plus vaste et le plus profond, le Tanaïs fumant au milieu de ses flots; le vieux Pénée; le Caïque baignant les champs de Teuthranie; l’impétueux Isménos, l’Érymanthe, qui coule dans la Phocide; le Xanthe, qui devait s’embraser une seconde fois, le Lycormas, qui roule des sables jaunes dans l’Étolie; le Méandre, qui se joue dans ses bords sinueux; le Mélas, qui arrose la Mygdonie; et l’Eurotas, si voisin du Ténare. L’Euphrate, qui baigne les murs de Babylone; l’Oronte, qui descend du Liban; le rapide Thermodon, et le Gange, et le Phase, et le Danube roulent des flots brûlants. L’Alphée est embrasé; la flamme brille sur les deux rives du Sperchius. L’or qu’entraîne le Tage devient liquide, et coule avec ses eaux. Les cygnes, dont le chant harmonieux réjouit les rives méoniennes, brûlent dans les eaux du Caystre. Le Nil épouvanté remonte aux extrémités de la terre, où depuis il a caché sa source. Les sept bouches de ce fleuve sont des canaux desséchés dans des vallées stériles. Le même embrasement se communique aux fleuves de Thrace, l’Hèbre et le Strymon; aux fleuves de l’occident, le Rhin, le Rhône, l’Éridan, et le Tibre, auquel les dieux ont promis l’empire du monde.

(Ovide, Les Métamorphoses, Traduction G.T. Villenave, Paris, 1806)

Frans II Francken  (1581–1642), La chute de Phaéton, collection privé (extrait)

Les suppliques de la Terre sont entendues par Zeus qui, du haut du ciel, foudroie le jeune insensé.

Jan Carel van Eyck  (1649–1686), La chute de Phaéton. D’après Pierre Paul Rubens, vers 1636-1638, Musée du Prado 

Phaéton tombe dans les eaux du fleuve Eridant (le Pô). Ses sœurs, les Héliades, pleurent tant sa mort qu’elles sont métamorphosées en peupliers. 

Hendrik Goltzius (1558-1617), Les sœurs de Phaéton changées en peupliers, et Cygnus en cygne, 1590, Musée d’Art du comté de Los Angeles

À la fin …

le grand Jupiter parcourt la vaste enceinte des cieux; il examine si les flammes n’ont point atteint quelques parties de la voûte azurée. Après avoir reconnu qu’elle conserve toute sa force et sa première stabilité, il abaisse ses regards sur la terre; il considère les désastres que les hommes ont soufferts. 

(Ovide, Les Métamorphoses, Traduction G.T. Villenave, Paris, 1806)