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Lors de mon dernier passage à Paris, j’ai visité le bâtiment de l’Opéra Garnier. En effet, je voulais voir in situ la sculpture représentant la Pythie. Cette œuvre a été réalisée par Marcello. Ce pseudonyme masculin cache en fait une femme artiste, Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione Colonna (1836 -1879).

Georges Clairin (1843-1919), Marcello dans son atelier de Givisiez, 1871

Georges Clairin (1843-1919), Marcello dans son atelier de Givisiez, 1871

Adèle d’Affry est née à Fribourg en Suisse. Elle se marie à Rome et s’installe ensuite à Paris. Elle devient veuve moins d’un an après son mariage. Elle s’initie alors à l’art. C’est pour exposer au Salon qu’elle choisit le pseudonyme de Marcello.

Il semble qu’à l’origine, Marcello devait créer deux Caryatides pour l’Opéra. Mais ce projet n’aboutit pas pour des raisons financières. On raconte que l’architecte de l’Opéra, Charles Garnier, eut un coup de coeur pour la représentation de la Pythie, qu’il installa dans l’entrée des abonnés et pour laquelle il conçut une sorte d’antre pythique.

Marcello, La Pythie, Opéra Garnier

Marcello, La Pythie, Opéra Garnier

Cette sculpture convient particulièrement bien à la décoration du bâtiment conçue également par Charles Garnier et consacrée à Apollon, le dieu de la musique. Garnier n’oublie pas que la divinité régnait également sur l’oracle de Delphes. La Pythie était la prêtresse installée sur un trépied que le dieu inspirait. L’oeuvre de Marcello montre une Pythie sauvage, dont les transes violentes sont décrites dans certains textes. Ces textes sont influencés par d’autres prophétesses en transe, comme la Sybille de Virgile dans l’Enéide et Cassandre dans l’Agamemnon d’Eschyle. Les représentations sur vase de la Pythie présentent au contraire une femme calme. On peut admirer une réduction en bronze de cette oeuvre au Musée d’art et d’histoire de Fribourg, dans la magnifique galerie consacrée à Marcello.

Marcello, Phoebe, 1875

Marcello, Phoebe, 1875

Le programme apollinien de l’Opéra Garnier se retrouve également dans les deux salons consacrés respectivement au soleil et à la lune.

Salons du soleil et de la lune à l'Opéra Garnier

Salons du Soleil et de la Lune à l’Opéra Garnier

Ces deux petites salles ont été peintes par des décorateurs du théâtre et leur ornementation se voulait provisoire. De plus, dans la précipitation des travaux, ils ont été inversés. Le salon du Soleil devait permettre l’accès au fumoir tandis que le salon de la Lune devait s’ouvrir sur le lieu où l’on pouvait déguster des sorbets. Mais c’est le contraire qui se produit.

Le Salon du Glacier est orné de divers bustes d’artistes ayant un lien avec l’opéra. On y trouve des danseuses, des cantatrices, des chanteurs. L’un d’eux présente néanmoins un petit mystère. Il représente probablement Marie Thérèse Maillard (1766-1818), cantatrice de l’Opéra. Néanmoins ce buste manifestement féminin porte une curieuse légende : 1699 – 1772, Maillard, poète

Maillard poète

Buste du poète Maillard

Or il existe un poète portant le nom de Paul Desforges-Maillard et dont les dates de naissance et de mort correspondent à celles de la légende. Ce poète, frustré de ne pas connaître le succès, a décidé de publier des poèmes sous le pseudonyme de Mademoiselle Malcrais de La Vigne. Sous ce nom, il devint célèbre. Il reçut des hommages de nombreux poètes dont Voltaire. Mais pris dans une situation impossible, le pauvre poète dut avouer la supercherie. Un aveu auquel son oeuvre ne survécut pas.